IL N’A PAS D’EVOLUTION SANS RUPTURE.
La vie de l’entreprise est un bien périssable et fragile. Les facteurs de rupture sont de plus en plus nombreux et sont renforcés par la gestion du capital. La rupture peut se traduire dans des formes multiples - liquidations, délocalisations, fermetures de sites, de directions, d’agences, plans de licenciements, réductions d’effectifs… réorganisations du travail… virages informatiques - de véritables bascules pour les hommes et les femmes de l’entreprise - qui cependant sont souvent banalisées, peu ou pas prises en compte.
Les cassures sont déstabilisantes physiquement, mentalement, émotionnellement. Rares sont ceux qui ont été préparés à les vivre. Elles engendrent des souffrances, parfois des catastrophes – avec des répercussions graves.
Même quitter une entreprise de son propre chef dans le cadre d’un projet construit, peut être vécu comme douloureux - touche à l’estime de soi, l’image de soi, génèrent des rancœurs et des ressentiments, du chagrin, de la colère ou/et de la culpabilité… des appréhensions, des peurs, de l’angoisse. Les collègues se détournent, puis disparaissent du giron. C’est dur de quitter l’équipe, les hommes et les femmes avec lesquels nous étions en relation.
Nous pensions avoir l’esprit mobile, des compétences et de l’agilité et nous nous découvrons de nombreuses rigidités et des frilosités, effrayés de nos faiblesses et de nos limites – pas si solide, pas si ouvert, pas si confiant – parfois à réactiver des blessures de rejet, d’injustice, de trahison, d’humiliation.
Il s’agit pourtant de quitter pour avancer… et grandir… mais ça fait mal… Parfois il faut plusieurs années pour faire son deuil.
La vie est inséparable de la mort. Ce n’est pas la fin mais c’est une fin. A chaque fois un peu comme au rythme de saisons, il s’agit de renaître à soi-même dans une forme neuve et réactualisée... l’automne annonçant la décrépitude, et l’hiver contenant les germes du printemps et les fruits de l’été...
COMMENT S’Y PREPARER ?
Comment transformer ces ruptures en opportunités de respirations, pour se rapprocher de ses aspirations - sa raison d’être, le sens profond qu’on se donne à soi-même.
Et si les ruptures étaient nos plus beaux cadeaux… pour nous garantir d’être fidèle à notre vocation, choisir d’être au service d’une cause qui fait sens pour nous et s’engager dans des relations vivifiantes.
Et si les ruptures - y compris les maladies étaient des templins pour mieux prendre soin de nous et nous re-connecter à ce qui est essentiel pour nous.
L’entreprise a bien sûr une responsabilité : afficher clairement que la rupture fait partie de la vie de l’entreprise, qu’elle n’est pas un lieu d’adoption… évoquer les pertes… valoriser les risques, les échecs… créer des mouvements de mobilité interne… accompagner les souhaits d’évolution… encourager, soutenir, former, coacher… remercier…
Et en même temps, chacun individuellement doit s’y préparer chemin faisant. Il s’agit aussi de se prendre en charge individuellement. La qualité des ruptures dépend de ce qui a été ancré précédemment, de notre capacité à apprendre à gérer les plus petites ruptures du parcours professionnel - pour savoir vivre des situations plus difficiles. Sur le plan personnel, apprendre à changer de job est une démarche exigeante qui nécessite une forte implication.
Plus la responsabilité est forte, plus les changements sont difficiles du fait de l’engagement, de l’attachement au statut, au métier, aux activités et… aux hommes.
Il est des ruptures qui viennent de l’extérieur, et il est des ruptures qui viennent de l’intérieur - elles n’en sont pas moins inconfortables voire, douloureuses. Toutes sont provoquées par des décalages pas faciles à vivre. Combien de temps vais-je encore préserver l’existant ? Qu’est-ce que j’accepte pour maintenir cet équilibre ? A quoi je renonce ? Qu’est-ce que je perds ? Qu’est ce que je gagne ? et toutes ces tensions qui me traversent !!!
Ces cycles du changement jalonnées d’événements et de ruptures sont pourtant des boucles récurrentes sur notre ligne du temps. Ils reviennent à fréquence régulière dans le champ professionnel comme dans le champ personnel.
Faire son deuil est un processus que chacun vit à son rythme, et parfois, un long cheminement jalonné d’un tourbillon d’émotions, accompagné de symptômes et de formes très variées. Le temps du deuil dépend de la nature de la perte et du mental de la personne qui vit ce drame.
UN PROCESSUS UNIVERSEL... ET TRES PERSONNEL
Le Docteur Elisabeth Kubler Ross, psychiatre et psychologue a modélisé sur la base de son travail d’accompagnement, les phases et les étapes du deuil. Même si ce cheminement est à chaque fois complexe et singulier, connaître et comprendre les phases et les étapes du processus de deuil, et notamment les états du processus de deuil permet, non pas de simplifier ce qui est vécu, mais de rassurer ceux qui vivent la perte et qui traversent cette épreuve - étant entendu qu’il n’est pas question de comparer la perte d’un être cher, à la perte d’un emploi, le chômage, la retraite... Les contenus sont différents. Pourtant la structure de l’expérience reste la même.
UNE PHASE DE DESCENTE
Le choc
Le deuil commence toujours par un choc. C’est une séquence courte de déstabilisation intense. Cela correspond à l’annonce de la rupture, à partir d’un constat, d’un état des lieux - celle émise par le médecin ou… le comptable, ou la direction générale… L’annonce par elle-même laisse la personne figée - dans la surprise et la torpeur. Le terme de sidération peut tout à fait convenir pour qualifier la réaction de la personne face à l’information transmise.
Exemple : « Je te quitte. C’est fini. Vous êtes viré. L’entreprise est liquidée. »
Le déni, le refus, la négation
Après le choc de l’annonce, c’est le refus de croire à cette information - l’évitement, le rejet, l’annulation. Certaines personnes se réfugient, s’enferment dans cet état de déni… continuent de mettre son assiette à table, sur un autre registre… continuent de venir au travail, de faire comme avant, comme si… de rien n’était.
Exemple : « Ce n’est pas vrai ! Pas moi… Non… ce n’est pas possible... Vous vous trompez ! »
La colère
C’est la confrontation avec les faits qui va engendrer une attitude de contestation, de révolte, de fureur, tournée vers soi et vers les autres. La personne peut s’emporter, ou s’enfermer dans le plus grand mutisme (colère contrite). Des pulsions de vengeance peuvent la pousser à avoir des comportements qu’elle ne comprend pas elle-même, animée par de fortes contradictions. En fait, la personne est confrontée à l’impossibilité d’un retour à la situation d’avant. Elle passe par la culpabilité, les remords, les reproches, les ressentiments, parfois le dégoût, la répulsion, la fureur, la rage, l’agression.
Exemple : « Ce n’est pas juste... Ils n’avaient pas le droit... C’est de leur faute, ils n’ont jamais rien fait pour moi. »
La négociation et le marchandage
A cette étape, le monde apparait comme une source de dangers insurmontables. La peur pour soi ou la peur pour les autres, des peurs ponctuelles ou une angoisse plus globale s’installent et participent à la résolution. Ici apparaissent les problèmes concrets, essentiellement matériels : « Qu’est-ce que je vais devenir ? Comment vais-je faire face ? » Cela génère de nombreuses négociations avec soi-même, une sorte de marchandage.
Exemple : « Puisque c’est ainsi… je me mets en arrêt maladie… ou je quitte la région… ou je retourne chez mes parents… Je vends tout… Je m’achète une petite maison… »
La tristesse, la dépression
A cette étape, la personne a accepté la perte mais n’est pas en mesure d’y faire face. Elle est en état de désespérance. Elle n’a plus grand chose à dire et le chagrin prend toute la place, les larmes sortent comme une libération. La personne vit la dépression après la pression exercée sur elle. Elle reste tournée vers le passé, blottie sous la couette.
Exemple : « Vidée… Ce n’est pas juste, pourquoi c’est à moi que cela arrive ? Je n’y arriverais jamais. »
UNE PHASE DE REMONTEE POUR SORTIR DE L’IMPASSE
La résignation
C’est l’abandon de cette lutte au cours de laquelle la personne peut avoir le sentiment d’avoir tout essayé pour revenir à la situation perdue. Elle n’a aucune visibilité de ce qu’elle peut faire - pas de vision, pas de sens. Elle agit au jour le jour, au gré des circonstances. Cette résignation peut aussi se coupler du rejet, l’envie de tout lâcher.
Exemple : « C’est ainsi, c’est la vie. »
L’acceptation et le pardon
A cette étape, la réalité est admise. La personne accepte la perte… de l’être cher, de la petite amie, ou du travail, de l’entreprise… du diplôme. Elle repasse au premier plan. Elle commence à s’ouvrir de nouveau aux autres et accueille les propositions qui lui sont faites, cherche des solutions et des moyens pour s’en sortir. En acceptant, elle devient capable de recontacter sans trop souffrir les beaux moments mais aussi les moins bons. Elle commence à se redéployer, reprendre le cours de sa vie - avoir plus confiance. Elle se sent mieux et l’avenir ne semble pas aussi noir qu’avant. Elle se pardonne à elle-même, ne se laisse plus envahir par la culpabilité. Puis vient le pardon aux auteurs qui ont généré la perte.
Exemple : « J’y pense encore parfois, mais je m’en sors. »
La quête de sens et le renouveau.
L’acceptation seule ne suffit pas. Il y a besoin de se reconstruire progressivement. La personne prend conscience qu’elle est entrain de se réorganiser pour répondre aux obligations liées à sa vie - professionnelle, sociale, familiale, affective. Elle découvre chemin faisant de nouvelles ressources personnelles et apprend à mieux se connaître ; elle prend conscience de tout un potentiel insoupçonné, de la Vie qui circule en elle et autour d’elle, de la valeur de ce qui lui est offert de vivre. Le sentiment de vulnérabilité fait place à une énergie nouvelle, une certaine conscience et une confiance réactualisée, pour certains le renforcement de la foi.
Exemple : « J’ai de nouveau envie... Je me surprends à rire... »
L’intégration et le retour à la sérénité
La personne a fait la paix avec ce moment de vie. Elle vit dans le présent, et ce qui lui arrive dans son quotidien a plus de valeur que le passé. Si un nouveau projet se dessine, la personne est capable d’y adhérer et même d’en être moteur.
Elle a même la révélation du cadeau caché. « Grâce à ..., j’ai pu... ». Elle est entrain de reconnaitre et d’accepter que le deuil a permis de vivre des choses non envisageables dans l’ancienne situation, APPRENDRE, GRANDIR et peut-être même de S’OUVRIR...
RENAITRE A SOI-MÊME.
DES PENSEES PARTICULIERES A TOUS CEUX QUI TRAVERSENT A GUE !!!
UNE INVITATION A
– développer une certaine conscience de soi en rapport avec son vécu personnel et
– manager, accompagner individuellement et collectivement les personnes dans leur cheminement personnel et très singulier - être présent, témoin de leurs états, et, inconditionnellement soutenant à intervalles réguliers et rapprochés et sur la durée.